[Proposition] Bg des nains

Du temps du roi

« Se prendre pour ce que l’on n’est pas peut coûter très cher, les géants l’ont appris à leur dépend, mais le peuple nain ne commettra jamais un tel affront. Nous valons mieux que ça. »

Tels étaient les propos tenus par le professeur d’une des rares classes du village. Les habitants étaient si peu nombreux qu’ils n’avaient guère besoin d’une grande école comme celle que l’on pouvait trouver à Oren.

« Lorsque Einhasad dut punir ceux qui s’étaient auto-proclamé maîtres de ce monde, lorsqu’ils eurent disparu jusqu’au dernier, nos ancêtres guettaient le moment propice à la réalisation d’un projet fou et des plus dangereux, mais qui nous apporterait gloire et pouvoir sans fâcher les dieux qui nous avaient créés, nous et ce monde plein de richesse. »

Le livre en main, Artherio lisait lentement et en y mettant le ton l’histoire très populaire de son peuple, dans l’espoir d’intéresser ces jeunes plus occupés à gribouiller des dessins qu’à apprendre leurs cours.

« Saviez-vous qu’à une époque nous étions gouvernés par un Roi tout puissant ? »

Les élèves incrédules levèrent des yeux ébahis vers le vieil homme, levant tour à tour la main pour en savoir plus. Il avait enfin touché leur curiosité et pouvait donc poursuivre sa lecture.

« Nos ancêtres étaient à cette époque gouvernés par le Roi Martarin II. C’était un nain honnête et juste, mais peu apprécié de son peuple, car n’ayant jamais rien fait de grand pour la nation comme l’avait fait autrefois son père, restant ainsi éternellement dans l’ombre de ce dernier.
Il vit donc là une opportunité sans pareil d’enfin récolter les acclamations et la reconnaissance des siens.
Sans plus attendre, il fit préparer une expédition visant à retrouver ces reliques. A cette époque ce genre d’excursion était très risquées, car situées en dehors du continent d’Elmor. Or, de terribles guerres faisaient rage entre les peuples. »

Artherio commença à faire de grands gestes avec son bras libre, essayant de capter l’attention des élèves qui s’envolait au fils des lignes de ce manuel quelque peu barbant.

« Les elfes et les orques se disputaient le territoire, alors que les humains attendaient le bon moment pour se mêler à la guerre, histoire de grignoter un peu de terrain. Mais le Roi nain n’avait que faire de ses querelles et refusa de perdre du temps avec ces futilités. Il rejeta donc toutes les demandes d’aide des autres peuples et préféra se concentrer sur la recherche des tablettes. »

Soufflant un peu, il s’appuya sur la table du premier rang et fixa tour à tour chacun des 10 élèves, le regard grave.

« Malheureusement, *baisse la tête et garde le silence quelques secondes* ce périple allait les mener tout droit devant des dangers auquel aucun d’eux n’étaient préparés. Ils durent donc affronter des monstres légendaires et surtout éviter les pièges laissés par les Géants.
Chaque instant était remplit de combat et de lutte acharnée pour survivre et rentrer fier au pays, le butin en main.

Tout cela en vain. »

Enfin ! Il avait réussi à les scotcher. Tous attendaient la suite, pendus aux lèvres de leur professeur, les yeux et les bouches grands ouverts, retenant leur souffle.

« Ils ne purent retrouver que des fragments des tablettes, insignifiants, inutiles. Elles semblaient avoir été détruites volontairement, sans doute pour préserver des secrets trop précieux.
Le Roi rentra donc les mains vides au village, couvert de honte et de ridicule. »

Une petite voix s’éleva du fond de la classe, toute tremblante et pleine de surprise.

« Mais Monsieur, les tablettes de Maphr n’existent plus alors ? »

Un petit sourire s’afficha sur le visage du vieux.

« Nous étudierons cela à un prochain cours Morganna. Soyez patiente… pour l’instant laissez moi vous conter la suite de l’histoire de notre peuple. »

Il tourna la page délicatement et remit en place ses grosses lunettes avant de reprendre.

« Le peuple était fort mécontent de la piètre démonstration du Roi. De plus, beaucoup de soldats étaient morts pour rien, emplissant la nation de tristesse.
Ce fut sans compter sur les problèmes économiques et la rébellion de certains villages qui décidèrent de se détacher de la Capitale, dégoûtés par la noblesse et ses caprices.

Progressivement, des nains et des naines furent mis en avant par le peuple, qui les jugeait aptes à le représenter face aux Grands de la nation. Et bientôt chaque village désigna l’un des siens et envoya donc son propre porte-parole à la Capitale.

Mais ils avaient beaucoup de mal à s’entendre, car les villages étaient fort nombreux, de plus le pouvoir en place ne prêtait aucune attention à ces gueux voulant leur donner des leçons.
Au final, ils ne virent qu’une solution pour s’accorder enfin et faire face au Roi et ses nobles, ils désignèrent les 7 sages parmi eux qui iraient affronter le Pouvoir en place.

Après de nombreux combats verbaux, parfois même plus que ça *hum*, les villageois réussirent à obtenir une faveur du Roi, las de se battre pour mériter enfin le respect des siens. »

Passé les combats épiques, les élèves étaient retournés à leur rêverie, laissant un Artherio dépité. Il tenta donc de poser quelques questions, comme « qui étaient les 7 sages… », mais il n’eut en guise de réponse qu’un long silence qui le poussa à reprendre la lecture de manière plus rapide et plus brève.

« Le roi Martarin organisa donc une grande fête au village, conviant tous les nains désireux de prendre une décision importante qui influencerait leur futur à tous.
Fort heureusement, tous répondirent à son appel et se rendirent à Morhak Dum.

Là-bas, les attendait un immense buffet au milieu de la ville ainsi qu’une grande caisse à côté de laquelle les scribes du Roi, les 7 sages et Martarin en personne étaient postés.

On distribua à chacun une bouteille de bière vide, un morceau de papier et un charbon. Puis le Roi prit la parole et expliqua que chacun devrait noter sur son papier s’il désirait garder la Monarchie actuellement en place ou s’il préférait léguer le pouvoir aux 7 sages qui s’étaient montrés des plus altruistes et courageux.

Le peuple fut alors d’un coup sec séparé en deux, la plèbe désirait élire les sages tandis que la noblesse huait les propos du Roi et les gueux qui prétendaient être apte à les gouverner, mais surtout à rendre leur titre inutile.

Mais la majorité l’emporta et le roi s’inclina face à la décision de son peuple.

Il avait néanmoins pour la première fois de sa vie obtenu le respect et la reconnaissance des siens, les 7 sages l’invitèrent donc à les aider dans leur tâche et surtout à réorganiser le pouvoir du peuple nain, afin de le rendre plus fort que jamais. »


Artherio ferma son livre et scruta la classe. La moitié des élèves dormaient, avachis sur leur table, les autres eux, dessinaient ou papotaient. Dans un soupire, il les libéra et prit le chemin de sa chaumière, impatient de boire un bon thé chaud dans son confortable fauteuil. Et dire que demain il faudrait recommencer. Que ne ferait-il pas pour ces enfants.

Oren, ville naine

Comment intéresser ces gredins ? Artherio ne savait comment faire pour attirer leur attention ne serait-ce que le temps qu’ils comprennent un peu l’histoire de leur peuple.

C’est en passant devant sa collection de golem miniature qu’il eut le déclic.

Le lendemain, il arriva en classe les bras chargés de figurines en tout genre qu’il exposa sur son bureau. Les enfants regardaient avec envie les jouets ainsi posés, rêvant de les manipuler, imaginant déjà mille histoires liées à ces petits golems et petits soldats.

« Si vous m’écoutez attentivement aujourd’hui, nous reproduirons ensemble la grande bataille d’Oren avec les jouets derrières vous. Chacun aura un rôle et pourra faire bouger un petit personnage. Cela vous convient-il ? »

Toutes les têtes hochèrent positivement, puis les enfants se redressèrent sur leur chaise, ouvrant leurs oreilles et se concentrant sur leur professeur.

« Où en étais-je ? Mmmhh… ah oui ! Le Roi Martarin laissa sa place aux 7 sages. S’ensuivit de longues années de reconstruction politique. En gros les nains changèrent de système pour adopter celui que nous connaissons tous et qui est encore d’actualité. Les nobles purent garder leurs titres honorifiques et leur fortune, mais pas leur place dans la politique.
C’est pour ça qu’il vaut mieux apprendre en cours plutôt que de se reposer sur l’argent et les titres de ses parents. Ainsi vous deviendrez de talentueux nains et pourrez prétendre à gouverner votre pays.

Bref…

Des siècles s’écoulèrent et les terres du Sud furent de plus en plus peuplées par les humains. Bientôt, trois cités furent érigées près des terres naines, en Elmor. Schuttgart, Rune et Goddard. Ces grandes cités faites dans la roche et entourées de metal étaient bien différentes des villages du continent d’Aden. Beaucoup de nains aidèrent à leur réalisation d’ailleurs, nous nous entendions plutôt bien avec leurs dirigeants et ils savaient comment remercier notre peuple correctement.

Malheureusement, un jour les guerres reprirent entre les races. Les orques, assoiffés de pouvoir et de conquêtes voulaient absolument ces cités et attaquèrent donc Schuttgart qui tomba entre leurs mains. »

Pas un seul des élèves ne bronchait, attendant la suite de l’histoire, à moitié intéressé par les batailles, mais plutôt focalisé sur les figurines derrière Artherio qui n’attendaient qu’eux pour être manipulées et mises en scène.

« Nos aïeux étaient à cette époque dirigés par Fertifer, Président du Conseil. Avec les 7 sages de l’époque, ils décidèrent d’accepter d’armer la Cité de Goddard qui les suppliait depuis la prise de la ville voisine. Leurs prières furent entendues par la Mère Créatrice et les nains de Maphr acceptèrent de fournir Golem et armes à l’armée au duché.

C’est ainsi que la bataille contre les géants verts fut gagnée haut la main, notre savoir au service d’une armée nombreuse et très ayant très vite payé ! »

Ses yeux allaient des élèves, aux figurines, en passant par le livre, décidément il avait vraiment trouvé le bon moyen de les motiver à étudier un tant soit peu. Mais pour cela, il ne devrait pas tarder à sacrifier sa précieuse collection. Soupirant, il reprit son récit.

« Pourquoi notre peuple a-t-il aidé ces humains me demanderez-vous ! Et bien Fertifer et les sages avaient des projets bien précis qui demanderaient malheureusement l’aide de nombreux soldats. Nous avions le pouvoir et le savoir, ils avaient la puissance.

C’est ainsi que Goddard accepta d’aider les notre à conquérir Oren en échange d’aide contre les envahisseurs orques.

Cette bataille, vous en avez tous entendu parler… c’est sans doute l’une de nos plus grandes fiertés, l’accomplissement d’années de préparation et d’attente. Nous avons durant cette guerre fait la démonstration de notre puissance et depuis, les autres races nous portent le plus grand des respects, car elles savent fort bien que si nous le voulons, nous pourrions reproduire l’exploit d’Oren sans difficulté ! »

Les jeunes nains souriaient à pleine dent à l’évocation de cette bataille épique racontée mille et une fois par leurs parents et grands-parents. Tous étaient des descendants des nains présents dans la ville humaine lors de sa conquête et tous ressentaient cette fierté immense d’avoir accompli quelque chose de grand.

« "La bataille des cents golems", c’est ainsi que nous la nommons. Les figurines derrières moi représentent ces gigantesques Golems qui nous ont permis de gagner ces terres. »

Artherio déposa le livre sur son bureau puis attrapa les figurines qu’il distribua ensuite aux élèves. Chacun campait un, voir deux personnages, et tous ensemble, ils jouèrent à la bataille d’Oren, reproduisant les combats et les actions tant de fois contées lors des fêtes et cérémonies.